Congrès de clôture de l’ANR LittéPub

Du 11 juin au 14 juin 2019

Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique

Palais des Académies
 / Salle Marie-Thérèse /
Rue Ducale 1, Bruxelles

LIS TES PUBS !
Biens littéraires et culture marchande (XIXe-XXIe siècles)

dir. Myriam Boucharenc, Laurence Guellec & David Martens


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Comité scientifique

Jan Baetens (Université KU-Leuven)
Réjane Bargiel (Musée des Arts décoratifs)
Marie-Paule Berranger (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3)
Karine Berthelot-Guiet (CELSA Sorbonne Université - Gripic)
Myriam Boucharenc (Université Paris Nanterre)
Laurence Boudart (AML Bruxelles)
Brigitte Diaz (U. de Caen-Basse Normandie)
Laurence Guellec (Université Paris-Descartes-THALIM)
Yves Jeanneret (CELSA Sorbonne Université - Gripic)
Christine Le Quellec-Cottier (Université de Lausanne)
Marie-Pier Luneau (Université de Sherbrooke)
David Martens (Université KU-Leuven)
Alain Shaffner (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3)
Lucile Trunel (Bibliothèque Forney)
Isabelle Veyrat-Masson (LPC/IRISSO-CNRS)

Les rencontres, chassés-croisés ou circulations à double sens entre la littérature et la publicité sont anciennes et leur histoire présente plusieurs facettes. Elle s’appelait encore la réclame que l’éloquence commerciale calquait ses discours sur les genres et la rhétorique de la littérature, mobilisait ses références et ses emblèmes, et sollicitait les écrivains eux-mêmes, de manière anonyme ou signée. La littérature fut au demeurant l’un des premiers "produits" de l’annonce commerciale, moyennant une ambiguïté déterminante entre la littérature à vendre et la littérature pour vendre, ainsi qu’en témoigne l’expression « publicité littéraire », en vigueur au cours du premier XXsiècle, pour désigner aussi bien la publicité faite pour la littérature que par elle, à une époque où se multiplient les contributions des grands auteurs. Depuis l’émergence de cette "littérature utile" (Balzac) et l’époque des premières tentations littéraires ou artistiques de la publicité, toujours présentes aujourd’hui dans la "brand culture" et les "contenus littéraires de marque", le monde des lettres n’a cessé de réagir face à l’irrémissible essor d’une culture publicitaire tout à la fois proche et concurrente du discours littéraire. Écrivains et critiques en ont enregistré en temps réel les avancées et dénoncé les dérives dans des pamphlets et des fictions souvent apocalyptiques. Si elle les a alertés, inquiétés, crispés elle les a aussi séduits et tentés – tentation du diable qui les a conduit, pour des raisons alimentaires, mais pas seulement, à pactiser avec elle, dont ils ont fait tantôt un contre-modèle poétique, tantôt un modèle de littérature moderniste. À travers ces appropriations consenties ou non (lorsque la publicité se sert dans le trésor des classiques), cette bourse d’échanges intertextuels, sémiotiques, éditoriaux et médiatiques entre les Belles-lettres et la littérature marchande, se pose ainsi, depuis le XIXsiècle, la double question de la « littérarisation » de la publicité et de la « publicitarisation » de la littérature.

Ce sont ces questions que l’ANR Littépub a contribué à mettre en évidence et à étudier dans ses diverses manifestations historiques. Complexes, contradictoires, elles sont assurément essentielles pour comprendre les mutations et les reconfigurations à géométrie variable du champ culturel depuis « la civilisation du journal » jusqu’à celle du numérique. À l’occasion de ce congrès de clôture, il s’agira de conjuguer la synthèse des acquis de ce programme de recherche de quatre années et un volet prospectif, qui lancera de nouvelles pistes, en particulier en intégrant au réseau de nouveaux centres d’archives, en faisant état du work in progress, en dégageant des angles d’approche inédits et en développant une perspective comparative.
Le projet se structure autour de quatre axes de questionnement, permettant d’interpréter, tout en continuant à les documenter, les différentes dimensions des relations de complicité conflictuelle entretenues entre littérature et publicité, ainsi qu’entre ses acteurs, écrivains et professionnels de la rédaction publicitaire, du XIXe siècle à nos jours.

Discours
La rencontre entre littérature et publicité est celle de deux champs discursifs ainsi que de domaines de pratiques qui ont chacun leur histoire, leurs traditions et leurs systèmes de valeurs. La gamme de leurs confrontations provoque parfois des dissonances, et parfois se joue de façon plus harmonieuse. Comment s’opère le compromis ? Comment se négocient les captations et les emprunts ? Comment, par exemple, les fictions évoquent-elles le monde de la publicité ? Comment le monde éditorial, qui est également soumis à des enjeux économiques, auquel s’imposent des stratégies de mise en valeur de marques, fait-il sien les modes opératoires du monde de la publicité ? À l’inverse, comment la publicité parle-t-elle de littérature, ou mobilise-t-elle ses codes et ses figures, même lorsqu’il ne s’agit en rien de vendre de la littérature ?

Auctorialité
Littérature et publicité ont ceci de commun que leurs réalisations nécessitent une écriture et, par conséquent, des « auteurs ». La place de ces derniers et leur mise en scène dans l’espace public, leur statut matériel autant que symbolique, présente d’intéressantes et significatives disparités. Autant les écrivains sont des figures médiatisées, autant, concernant les publicitaires, le fait a longtemps été exceptionnel, et le demeure encore pour une part. Entre le créateur et le créatif, entre l’auteur et le concepteur-rédacteur, la pragmatique diffère et avec elle les critères de « réussite », au sens textuel autant que social et économique. Comment ces divergences se traduisent-elles ? La mise en évidence de la signature, tout en rapportant à la marque commerciale une plus-value en termes de légitimité, sert la diffusion de l’image de marque de l’écrivain (et avec lui, par métonymie de celle de la littérature). Comment se mesure, en termes d’intéressement, cette promotion à double entente – où il est parfois délicat de savoir qui parraine l’autre de la marque commerciale ou de la marque auteur ?

Genres
Le traitement des genres constitue l’un des principaux lieux communs entre littérature et publicité. La généricité est en effet l’un des centres de convergences, mais aussi de divergences entre les deux domaines. La question s’est posée, entre les deux guerres, de savoir si la publicité était un nouveau genre de littérature ou un nouveau genre littéraire. Elle témoigne, dans sa formulation même, de la concurrence qu’ont pu, à cette époque, entretenir la littérature et la publicité naissance pour conquérir le domaine de la rédaction publicitaire. On peut aussi se demander quels sont les genres littéraires les plus propices à la publicité ? Comment les écrivains les investissent-il lorsqu’il s’agit pour eux de contribuer à la promotion de produits ? Certains se prêtent-ils mieux que d’autres à la finalité promotionnelle ? Et réciproquement : comment, du point de vue de la publicité, s’opère la promotion de certains genres, notamment des genres à l’identité forte, comme le polar ou la science-fiction ?

Supports et médias
Littérature et publicité ont, s’agissant de leurs supports de prédilection, des positions sensiblement distinctes. Autant, au sein de la littérature, un privilège a longtemps été conféré au monde de l’imprimé, et plus singulièrement au livre (et sans doute est-ce encore le cas pour une bonne part…), autant la publicité, toujours à l’affut du dernier cri médiatique, a tout au long de son histoire fait feu de tous types de supports, colonisant systématiquement les nouveaux médias, sans accorder de privilège symbolique à tel ou tel. Cette dissymétrie règle en partie les rapports entre la publicité et la littérature, certains terrains de rencontre ayant été plus féconds que d’autres. Cette dissymétrie pose question. La littérature semble avoir été plus ou moins conciliable avec la finalité publicitaire, en fonction des supports et des médias. Qu’en fut-il de la radio, de la télévision ? Enfin, qu’en est-il de l’impact des nouveaux médias et en particulier du numérique dans les mutations des rapports entre littérature et publicité ? Quelles sont les nouvelles formes de promotion de la littérature ? Et comment la littérature numérique se promeut-elle ?

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