Qu’est-ce que la publicité financière ? Nous pourrions la définir comme la publicité qu’émet une entité financière (une banque, une société d’assurance…), ou bien la publicité qu’émet une société commerciale sur ses comptes (ainsi une société minière ou une société de chemins de fer qui lanceraient un appel à souscrire leurs actions). Il ne semble pas impossible d’adjoindre à cela les appels que peut faire l’État au crédit public. Certes, la publicité financière peut être amenée à souligner les qualités d’un produit (pour justifier son appel aux actionnaires), mais elle insistera plutôt sur les qualités proprement financières du placement proposé. Comment obtenir 100 francs des particuliers en leur en promettant 115, 120 ou 150 à terme ? Tel est à peu près le but de la publicité financière. C’est donc une publicité qui met en avant le chiffre, le taux ; elle est a priorifort aride, quoique certaines affiches pour appeler à souscrire des actions jouent astucieusement de la typographie. Enfin la publicité financière agit après tout sur ce ressort puissant qu’est l’intérêt pécuniaire des individus.
Il serait possible de classer les moyens de la publicité financière selon une grille classique qui distinguerait les vecteurs « média » de ceux qui sont « hors-média ». Les moyens de publicité « média » recouvrent l’affiche d’une part et la publicité par voie de presse d’autre part, cette dernière pouvant prendre la forme évidente de l’annonce de 4e page, ou bien la forme plus insidieuse du publi-rédactionnel. Dans le premier cas, il s’agit des modestes « annonces uniformes » ou des tapageuses « annonces-affiches » (appel à souscription à telle ou telle société en commandite ou société anonyme) que nous voyons en 4epage du Constitutionnel, de La Presse, du Journal des débats, du Figaro, du Siècle, mais aussi du Tintamarre, du Charivari, etc. Dans le deuxième cas, il s’agit de ces articles orientés dont le chapitre IV de Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale propose un pastiche, Louis Reybaud imaginant une Société des bitumes du Maroc dont le produit phare est doté des qualités les plus merveilleuses. Mais ce dernier exemple relève encore nettement de la réclame, tandis qu’existent dans la presse des publicités financières plus habilement masquées : c’est le cas des articles orientés de nombreux journaux financiers spécialisés, qui défendent logiquement les valeurs de leurs bailleurs de fonds ; c’est aussi le cas de la chronique boursière puis du bulletin boursier des journaux, qui se trouvent progressivement sous-traités, dans le dernier quart du siècle, à des experts parfois partiaux. Aussi la presse est-elle capable d’enflammer les têtes et de pousser à l’achat de certains titres plutôt que d’autres, comme le montre bien l’analyse de la presse financière opérée par Zola dans L’Argent.
Les moyens de publicité « hors média » seraient quant à eux les prospectus bancaires, les rapports annuels de sociétés, mais aussi, pourquoi pas, l’architecture même des sièges sociaux de la Chaussée d’Antin, ainsi que les fiacres-réclame ou les hommes-sandwiches... On trouve probablement peu de prospectus bancaires au XIXe siècle ; en effet, la publicité bancaire d’ordre commercial qui nous est aujourd’hui familière (publicité pour tel ou tel livret rémunéré ou pour tel ou tel service bancaire en ligne) n’existe guère, une infime minorité de Français détenant l’équivalent de nos comptes courants actuels. Plus intéressants sont peut-être les rapports annuels des sociétés : parcourant les rapports du Crédit mobilier, Proudhon remarquait déjà dans son Manuel du spéculateur à la Boursequ’ils constituent un outil de communication externe autant qu’interne. Et nous pouvons nous demander s’il ne faudrait pas adjoindre à ce matériau le papier-action lui-même : la mise en page et les cartouches des titres de sociétés ne sont-ils pas parfois aussi évocateurs que les cartonnages des romans de Jules Verne ? N’y trouverait-on pas une comparable rhétorique de l’image, à l’adresse de l’actionnariat que la société fidélise ? Quant aux sièges sociaux de l’Avenue de l’Opéra, avec leur hall clinquant et le chiffre du capital social vissé sur les balcons, ils se trouvent décrits dans les romans de Gaboriau et dans les romans de mœurs financières. Tout comme les appels à souscrire diffusés par affiche, où s’étalent sur papier jaune des nombres à sept ou huit chiffres, ces façades d’immeubles font partie de ce qu’on voit sur les murs de Paris et participent de la rhétorique publicitaire.
Ces quelques exemples ne sont qu’une infime partie d’une matière qu’il reste à exhumer, celle de la publicité financière telle qu’elle se déploie dans la presse ou dans la rue, et telle qu’elle est décrite et pensée dans la littérature panoramique et dans la fiction.
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